Dépendante du Seigneur

Chrystelle Court, 44 ans, IMC, fait partie des 500 Vierges consacrées en France. Plus qu’une femme dépendante, Chrystelle est une battante qui donne le dernier mot à Dieu et non au handicap. Portrait avec la parole de son évêque, Mgr Philippe Barbarin, archevêque de Lyon.

Roanne, dans la Loire. Une résidence moderne pour personnes avec handicap ; un appartement clair et adapté avec vue sur l’église Saint Louis. C’est là que vit Chrystelle, Vierge consacrée. Enfin, c’est là qu’elle vit en principe, car elle s’échappe dès que possible… Revanche sur des années passées entre hospitalisations et opérations ? Celle qui est née grande prématurée, et dont les médecins prédisaient à ses parents qu’elle ne survivrait pas dévore la vie. “Je ne m’en sors pas mal du tout”, lâche-t-elle dans un éclat de rire. Aux manettes de son fauteuil électrique, elle arpente les rues de la ville. De la boulangère au chauffeur de taxi, elle est connue de tous. Ses journées sont rythmées par la messe, la liturgie des heures, l’adoration, des groupes de prière, de louange, des rencontres…

Si dépendante et si active, tel est son paradoxe. Si la petite taille et des gestes parfois désordonnés trahissent le handicap, l’on retient son regard pétillant et un sourire charmeur. Une grande capacité intellectuelle dans un corps douloureux. D’un caractère volontaire forgé au creuset de la souffrance, elle dit ne s’être jamais révoltée. Ne pas se plaindre, s’excuser de tout ce qu’elle doit demander comme aide, semble être son leitmotiv. Tout juste devine-ton qu’il a été dur pour une petite fille de 10 ans de s’entendre dire que si elle était handicapée, c’était certainement “une punition du Seigneur”… Ses parents dont elle est très proche, lui ont toujours dit qu’il n’en était rien.

Rencontre avec le Seigneur

C’est par des amies rencontrées à l’internat qu’elle est entraînée au catéchisme et découvre le Seigneur. A 12 ans, elle fait sa première communion. “J’attendais ce moment depuis longtemps mais je voulais être sûre d’être apte. Je ne voulais pas qu’on me le donne pour me faire plaisir et me consoler de mon handicap.”  Perfectionniste, toujours… Son initiation religieuse se poursuit au gré des allers et retours à l’hôpital. Depuis l’âge de 15 ans, elle sent que le Seigneur travaille de plus en plus son cœur. A 17 ans, avant une énième opération à laquelle elle consent avec confiance malgré les risques encourus, Chrystelle promet au Seigneur que si elle s’en sort assise et avec une vie plus facile, elle s’engagera à ses côtés pour le reste de ses jours. “Je ne pouvais pas lui envoyer de message plus clair !” Mais devant les prétendants valides ou handicapés séduits par Chrystelle, sa maman se met à rêver mariage et petits-enfants. Chrystelle s’y refuse, sentant qu’elle est appelée à autre chose.

Se consacrer à Dieu

Plusieurs années passées à Paray-le-Monial font naître en elle un désir : entrer chez les sœurs de la Visitation. La porte reste fermée en raison de sa trop grande dépendance. Toujours déterminée et axée sur la vie contemplative, Chrystelle frappe à plusieurs portes. La réponse est toujours la même. “C’est malheureux mais j’ai eu l’impression que si j’avais eu un handicap mental, les choses auraient été plus faciles. J’en ai versé des larmes et invoqué le Seigneur sur tous les tons.” C’est en assistant à la consécration d’une amie qu’elle perçoit sa vocation : “J’ai savouré cette journée car j’ai compris que c’était ce que le Seigneur voulait pour moi.” Pendant cinq ans, elle va se préparer avec un prêtre du diocèse et en 2003, elle reçoit la consécration des mains de Monseigneur Barbarin. “Ma vie a changé ce jour-là. Le handicap est toujours présent mais je l’accepte mieux. Tout ce que je fais, c’est pour le Seigneur et pour les autres.”Chrystelle a écrit un livre (1) sur sa vie pour témoigner que “le défi du handicap ne peut être relevé que par le haut”, et elle vient d’en commencer un deuxième sur l’abandon et l’eucharistie. Sa rédaction prendra le temps qu’il faudra. En raison de problèmes visuels, Chrystelle n’a pas le droit de se servir d’un ordinateur. Elle dicte tout mot à mot à une amie. Consentir à la dépendance une fois encore ! Mais cela ne l’arrête pas. Enfin, parfois, elle doit quand même appuyer sur pause, obéir à son corps et demeurer chez elle. Là, elle puise force et consolation dans l’intimité de sa chambre où se trouve un tabernacle avec la présence réelle. Une grâce qui lui a été accordée pour vivre au mieux sa vocation d’une vie de prière intense. Elle peut enfin dire : “Il y a eu des moments d’ombre dans ma vie mais maintenant tout est lumière.”

Christel Quaix

(1) : Tu m’as fait remonter de l’abîme, la souffrance transfigurée, Ed de l’Emmanuel, 2008, 150 pages

Mgr Philippe Barbarin, archevêque de Lyon : “La consécration n’est pas un lot de consolation”

“Touché par sa grande douceur et sa fidélité sans faille, j’ai été très ému de consacrer Chrystelle à Roanne. Rien que par sa présence, elle parle de Jésus. Elle reçoit son amour et le donne. Les vierges consacrées sont un signe du Royaume sur terre. Elles sont l’image de l’Eglise, l’épouse toute consacrée à son Seigneur. Il appelle qui il veut ; aussi bien une jeune fille au physique ravissant qu’une autre dont le corps est déformé. A travers ce corps abîmé, Dieu nous parle. Consacrer ou ordonner une personne porteuse de handicap est hautement symbolique. Nous voyons comme un au-delà du corps ; l’amour de Dieu traverse ce corps et ce qu’il a de beau. Mais attention, il ne faut pas tomber dans le travers de consacrer une vierge ou d’ordonner un prêtre comme lot de consolation au handicap. Il convient de discerner la vocation. Et si l’appel de Dieu est authentique, là, je me battrai, je ferai tomber des barrières pour que cette grâce puisse être reçue.”

Ombres et Lumière n°205

Photo © Elisabeth Vilain

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