Coronavirus …

Carême étrange que celui qui nous est imposé par les évènements et l’épidémie qui se répand dans le monde entier. Tandis que certains sont jetés sur les routes du monde par la violence des hommes, de la faim, de l’insécurité, nous qui possédons l’abondance et le confort, nous voilà contraints à l’immobilisme !  Étrange retour des choses !… Nous voici confinés, comme des moines ou des ermites dans leur cellule. Condamnés à la « vie intérieure » comme le Petit Saint Placide qui reçut un jour la visite d’un ange qui lui fait « une révélation extraordinaire » : « sache, ô Placide,  que la vie intérieure, c’est une vie qui est intérieure » !  L’aurions-nous oublié ?…

On peut aussi se rappeler l’évangile de l’entrée en carême où l’on voit Jésus « poussé par l’Esprit-Saint » qui le « conduit » au désert. Ce virus « couronné » qui fait vivre une véritable « Passion » à bien des gens ne nous évoque- t-il pas un autre chemin de Croix où le Christ, Couronné d’épines a pris sur lui le mal et le péché du monde ?… Exit les cérémonies prévues pour célébrer ou représenter cet évènement central de notre foi !… un autre chemin nous est imposé. Nous ne sommes plus dans le « faire » qui nous rassure, mais dans l’« être avec ». Être avec le Christ au-dedans de nous-mêmes, pour parcourir ce chemin de Croix.  Saurons-nous le vivre à la suite du Christ ?

Recevrons-nous  cet évènement comme un « coup du Saint-Esprit », ou allez –vous dire que j’exagère ? Cet évènement qui nous ramène à l’essentiel, à considérer notre fragilité et notre finitude et nous redire que tout nous est donné ?… Frédéric Ozanne  (prêtre MDF) commentait l’évangile de la Samaritaine, ce dimanche 15 mars – où nous avons tous regardé la Messe télévisée pour cause de « confinement ». Depuis le début, la Bible nous montre Dieu à la recherche de l’homme : « Adam, où es-tu ? ». « Fatigué » de   l’homme, Dieu est devenu un homme  et s’est approché de nos puits quotidiens pour nous faire une révélation « extraordinaire » (çà, c’est moi qui le dit pour imiter le Petit Saint Placide !) : « Si tu savais le don de Dieu ». Ce Dieu qui aime la Vie et veut nous la donner en plénitude. Rendons grâce pour cette Vie et protégeons-la !

Osons accueillir cet évènement dans la foi, avec humilité et patience. L’homme d’aujourd’hui, extraverti,  à la recherche de son confort, recherche la satisfaction immédiate de ses désirs, et se trouve  maintenant  confronté à sa finitude. Saturés de plaisirs, beaucoup cherchent un sens à leur vie. Sauront-t-ils se tourner vers Celui qui est le « Chemin, la Vérité et la Vie » ?…. À nous de prier pour ce monde avec tous les priants de la terre, comme le moine Silouane dont j’ai relu les écrits, au cours de ce Carême. Cet homme retiré sur le Mont Athos et qui « pleurait » sur le monde dans une prière de supplication incessante pour ceux qui sont loin de Dieu. . Comme beaucoup de mystiques, il a connu la « Nuit » de l’esprit, avec le sentiment d’être plongé en « enfer ». Dieu lui vint en aide pour supporter cette situation, en lui disant : « tiens ton âme en enfer et ne désespère pas ». Sa foi au Dieu Vivant et miséricordieux ne défaillait pas. Et nous pouvons le rapprocher de notre petite sœur Thérèse de Lisieux qui exprimait la même chose, avec d’autres mots : « s’asseoir à la table des pécheurs. »

Ne paniquons pas !… Les médias se font l’écho des inquiétudes grandissantes de la population qui se rue sur les hypermarchés et dévalisent les rayons, sans se préoccuper du voisin !… Au contraire, d’autres sont à l’écoute des plus faibles, font les courses des personnes âgées, les accompagnent et usent plus souvent du téléphone. Nous pouvons contribuer à ramener un peu de sérénité, si nous-mêmes nous gardons calme et mesure. La contagion est aussi dans ce sens !… Une nièce parisienne me disait combien elle appréciait de revoir le ciel bleu, de réentendre chanter les oiseaux depuis que les avions sont interdits de circulation. Les restrictions de sortie « assainissent » quelque part l’atmosphère si polluée des habitants de la capitale. Juste retour des choses : la planète « respire » mieux !….

Aime et fais ce que tu veux. », disait St Augustin. Est-ce à dire que nous pouvons faire n’importe quoi, sans aucune mesure, au nom de notre liberté ?…St Paul nous répond : « J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, et toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. … L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien de malhonnête ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais. » (1 Co. 12,31 à 13, 13)

Venez à moi, vous tous qui peinez sous le fardeau et moi, je vous procurerai le repos » Mt 11,28,  disait Jésus. Il est l’heure de revenir à la méditation de la Parole de Dieu et de prendre au sérieux les paroles d’apaisement de Jésus  et, peut-être – pour les plus courageux – de relire le chapitre 12 de Luc : Qui d’entre vous d’ailleurs peut, en s’en inquiétant, ajouter une coudée à la longueur de sa vie ?  Si donc la plus petite chose même passe votre pouvoir, pourquoi vous inquiéter des autres ?  …  Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père s’est complu à vous donner le Royaume. »

Incohérence !…  Ce matin, j’ai ouvert au « hasard » « La joie de croire » de Madeleine Delbrêl, dont je me sens très proche. Et voici ce que le « hasard » m’a mis sous les yeux : « On ne peut croire à la fois au hasard et à la Providence. Nous vivons comme si nous croyions au hasard. De là viennent les incohérences de notre vie : ses mauvaises agitations et ses mauvaises passivités.  Nous subissons ce que nous n’avons pas choisi … Ce sont nos zéros …. Nous sommes « chargés » d’énergie sans proportion avec les mesures du monde : la foi qui culbute les montagnes, l’espérance qui nie l’impossible, la charité qui fait flamber la terre. Chaque minute de la journée, qu’elle nous veuille n’importe où pour y faire n’importe quoi, permet au Christ de vivre en nous parmi les hommes. Alors, il n’est plus question de chiffrer l’efficacité de notre temps. Nos zéros multiplient l’infini. Nous prenons humblement la taille de la volonté de Dieu. » (M. Delbrêl, La Joie de croire, p.138)

Retourne dans ta maison et raconte ce que Dieu a fait pour toi »  Mc 5,19  – Écoutons encore Madeleine Delbrêl dans «Missionnaires sans bateaux » (1943) : « Ils auront une maison comme toutes les autres maisons, bâtie sur un ordre paisible…Ils seront un paysan parmi les paysans … Un ouvrier comme les ouvriers, avec les mêmes jours de travail dans le tintamarre des ateliers … Être missionnaire dans le pays social où l’on est né, s’ensevelir comme le grain de froment dans l’humilité de son terroir providentiel ; y mourir à tout ce qui est humain et, en pleine humanité, naître à tout ce qui est volonté de Dieu … Être là où Dieu les a posés dès l’origine, comme un tout petit grain de semence dont tout un champ pourrait sortir. Et surtout que rien ne les sépare de ce pécheur, de ce païen qu’ils sont venus chercher par leur immobile départ qui leur demandait simplement de rester où ils étaient. Savoir que leur bateau peut être leur maison natale. » Après ceux des maisons, voici ceux de la route, de la rue, des chemins. Ils ont rencontré le Christ sur ses routes :

Un Christ pauvre à ne savoir où poser la tête, un Christ sans foyer, un Christ mobile dans la volonté de son Père comme une plume dans le vent, un Christ sans amarre qui leur a dit : « Viens et suis-moi ». Ils ont compris, une fois pour toutes que le Christ était  leur « lieu » (M.D., La joie de croire, p.153 ss).

Si tous les hommes observaient les commandements de Dieu, ce serait le Paradis sur la terre et nous aurions à notre disposition tout ce qui nous est nécessaire. Le Saint-Esprit habiterait le cœur des hommes car Lui-même cherche à établir en eux sa demeure ; mais à cause de la vanité de notre esprit, il ne trouve pas de place en nous. Que notre vie soit simple mais sage … Cet amour, l’âme de prière le sent en elle et l’Esprit de Dieu rend témoignage à l’âme de son salut. Nous sommes dans la lutte chaque jour, à toute heure … Tout notre combat doit tendre à acquérir l’humilité. Le Malin est tombé à cause de son orgueil et essaye de nous tenter nous aussi. Par conséquent, mes frères, cherchons l’humiliation pour pouvoir contempler la gloire de Dieu dès ici-bas, puisque le Seigneur se fait connaître à l’humble par le Saint-Esprit. Silouane

Marguerite PORTAL, ov Mende

Photo © Marguerite Portal : Christ de la chapelle du C.H.F.T. de St Alban

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